Fusée (Guillaume Apollinaire)
A l'approche du quatre vingt dixième anniversaire du décès du poète le 9 novembre 1918, la série sur Guillaume Apollinaire (le Pont Mirabeau, Nuit Rhénane, l'Adieu, l'Emigrant de Landor Road, Ô naturel désir, Nocturne, A l'Italie, Acousmate, Marizibill, La Victoire, Le Chef de Section, Chant de l'Horizon en Champagne, Le Vigneron Champenois, Dans l'Abri-caverne ...) se maintient sur la carte du comptoir des vers avec un autre opus terrible sur la première guerre mondiale mêlant horreur et amour.
Guillaume Apollinaire s'est engagé volontairement en 1914 dans l'armée française et a combattu comme "poilu" dans l'artillerie, particulièrement en 1915 sur le front de Champagne.
Cet engagement lui valut sa naturalisation française en 1917 (il avait auparavant la nationalité polonaise de sa mère).
En 1916, le poète fut touché à la tête par un éclat d'obus. Cette blessure, difficilement soignable, affecta durablement Apollinaire qui mourut de la grippe espagnole juste avant l'armistice du 11 novembre 1918.
Bien que célèbre pour ses poèmes d'amour (notamment "Pont Mirabeau"), Guillaume Apollinaire est avant tout le poète de la Grande Guerre et de ses horreurs.
Pour cause d'Apollinaire et de guerre de 1914-1918, la carte du comptoir des vers cesse les livraisons d'Arthur Rimbaud (Voyelles, Sensations, Ma Bohème, Chanson de la plus haute tour, le Dormeur du Val, le Bateau Ivre, Vénus Anadyomène, Petites amoureuses ou l'Orgie parisienne).
La boucle des cheveux noirs de ta nuque est mon trésor
Ma pensée te rejoint et la tienne la croise
Tes seins sont les seuls obus que j'aime
Ton souvenir est la lanterne de repérage qui nous sert à pointer la nuit
En voyant la large croupe de mon cheval j'ai pensé à tes hanches
Voici les fantassins qui s'en vont à l'arrière en lisant un journal
Le chien du brancardier revient avec une pipe dans sa gueule
Un chat-huant ailes fauves yeux ternes gueule de petit chat et pattes de chat
Une souris verte file parmi la mousse
Le riz a brûlé dans la marmite de campement
Ça signifie qu'il faut prendre garde à bien des choses
Le mégaphone crie
Allongez le tir
Allongez le tir amour de vos batteries
Balance des batteries lourdes cymbales
Qu'agitent les chérubins fous d'amour
En l'honneur du Dieu des Armées
Un arbre dépouillé sur une butte
Le bruit des tracteurs qui grimpent dans la vallée
Ô vieux monde du XIXème siècle plein de hautes cheminées si belles et si pures
Virilités du siècle où nous sommes
Ô canons
Douilles éclatantes des obus de 75
Carillonnez pieusement